Km 2402: "Fadallou !"
Il est des jours où tous les elements semblent contre vous, où la route n'est pas belle, où vous vous demandez ce que vous faites là, où votre seul reconfort est un pot de Nutella. Enfin bref, où tout vous parait fade. Et puis... et puis, "Fadallou!"
Le départ de Khartoum est un peu dur, il est long de quitter cette ville. Le vent côté route nous ballote avec l'aide des camions. Nous abordons la banlieue et des odeurs de déchêts brulés emplissent nos narines. Nous roulons un long moment, nous requinquant à coup de pate à tartiner, mais le coeur n'y est pas. "On s'arrête dès qu'on voit un groupe de personnes?" Ok. Et c'est devant la cafétaria d'Abdallah que nous stoppons. De la gentillesse à revendre, un beau coucher de soleil, une douche, un repas, un terrain pour la tente, et nous voilà requinqués. Les jours qui nous semblent plus fades ne servent pas à rien... Le lendemain, nous reprennons notre rythme. Quelques kilomètres avant un fatour (petit dej) sous les arbres. Hummm... charmant. Le soir, nous plantons la tente dans une maison abandonnée, ou en construction, ou abandonnée et en construction. Près de nous, un troupeau de chèvres conduit par des nomades qui dormirons là. Et voilà pour nous un bon lait chaud tiré en direct du pis! C'est vrai que depuis Khartoum, nous voyons de plus en plus de troupeaux...
Quelques kilomètres après notre départ en ce nouveau matin, que voyons-nous là-bas? Deux vélos de touristes? Stop! Un couple d'allemands arrive en sens inverse. Ils font Le Cap Bonne Esperance-Le Cap Nord. Nous échangeons sur nos voyages... Ils nous racontent tout ce qu'ils ont vu... des étoiles plein les yeux, le sourire aux lèvres, on a l'impression qu'ils le revivent en direct! Ca promet! Sur les coups de 12H, nous redémarrons après un poste de police. Un "Fadallou !" retenti. Nous sommes invités à faire une pause, à discuter, autour d'un bon repas. Un vendeur de bouteilles de gaz est aux petits soins pour nous, il n'accepte meme pas que nous lui offrions le thé... Au moment de repartir, nous nous rendons compte que la roue de la remorque est crevée. Premier problème technique en 2000 km, grace aux bons soins d'Olivier et à notre surveillance assidue des méchantes épines qui pourraient faire des dégats... Nous arrivons à Wad Medani. Quelle route allons-nous prendre pour l'Ethiopie? On laisse le vent décider... c'est parti pour Damazin! Quelques achats à Medani, puis petite pause au Nil. Nous délaissons un instant nos affaires... juste le temps qu'il faut pour qu'un singe vienne nous piquer une banane et la mange un peu plus loin sous nos yeux!! Le gourmand... Un peu plus tard, alors que nous siestons tranquillement, le propriétaire du champ où nous sommes installés vient nous voir. "Tout va bien ? Vous voulez un peu d'eau?" Il ne semble pas surpris de nous trouver là et encore moins dérangé par notre présence. Sympa! En repartant, nous remplissons nos bouteilles dans un batiment gardé par des policiers. Olivier se rafraichit un peu... et se fait "baptiser" par un policier d'un bon verre d'eau sur la tête! Mais ce n'est qu'un début... Au péage suivant, un policier lui offre carrément son gilet fluo pour que lui aussi soit vu des voitures! Nous nous arrêtons à Arkuit. Dans ce petit village, on a l'impression que tous les habitants font corps pour nous accueillir. Une chambre pour nous, et pas moins de 9 femmes pour accompagner Hélène à la douche... Un guérisseur s'occupe des doigts d'Olivier, un autre nous invite à voir le foot... Du monde, mais pas d'envahissement.
Le lendemain, après une visite au Nil, nous faisons 60km d'une traite, puis stoppons... Il fait de plus en plus chaud au fur et à mesure que nous avançons vers le sud. Nous avons faim... Un homme nous recueille dans le hameau jouxtant la route, mais ce n'est pas chez lui que nous irons. C'est chez Adao. Est-ce du fait de sa position sociale qui semble plus élevée que nous nous sommes retrouvés là? En tout cas, notre arrivée en début d'après-midi nous permet de passer plus de temps avec lui, sa femme Hamn, leurs enfants et finalement tour à tour tous les voisins... Sans oublier les chèvres, les poules et le mouton qui circulent librement. Hamn nous régale, en particulier d'un café moulu sur place, parfumé au gingembre et au clou de girofle. Quelle saveur... Nous passons du temps à nous balader autour de chez eux, découvrant les jolies maisons en paille au soleil couchant. Des gris-gris de cuir et des couteaux commencent à apparaitre. Protection. Le soir, nous sommes l'attraction. Photos, rires, musique et Hélène qui se fait faire des tresses...
En sortant de Sennar, nous voyons à nouveau des champs de sacs plastiques et des déchêts que l'on brule. Un vrai problème les poubelles dans ce pays, où, comme en Egypte, le ramassage d'ordures n'est pas organisé. Du coup, on jette partout hors de chez soi. Et nous embarassons bien des hotes avec les poubelles que nous leur laissons. Ajoutez à ça la consommation de produits occidentaux qui augmente... Nous voyons aussi, dépassant des murs, des bougainvilliers qui jaissent tels des feux d'artifice... Il fait de plus en plus chaud. Notre pause s'étend de 12h30 à 16h maintenant. Dur, dur! Nous arrivons à Singa au crépuscule, partons à la recherche d'un hotel, et c'est Benyamin dans son taxi que nous rencontrons. Où allait-il? Nous ne savons pas. En tout cas il n'ira pas, puisque nous suivons son taxi "Darlling" jusqu'à l'hotel, et finalement jusque chez sa soeur Rabah. Avec son mari Ibrahim, elle nous offrira gite et couvert. Nous sommes toujours étonnés par cet acceuil immédiat au pied levé. Benyamin est sur le point de réaliser un projet. Dans deux jours, il part pour Khartoum faire des papiers, et dans deux semaines pour Dubai gagner sa vie comme conducteur de taxi. Mais en attendant, c'est avec nous qu'il sera. Et il se met totalement à notre disposition. Le lendemain, il nous escorte d'écoles en ministère de l'éducation pour avoir les autorisations nécessaires pour rencontrer des écoliers. Ca prend du temps! Au ministère, le représentant nous parlera un français impeccable, ayant vécu quelques temps en France. Il nous dit qu'il nous a vu la veille, et qu'il voulait nous faire la blague d'une fausse prise d'otages! Et chantera ensuite "Jolie Bouteille, Sacré Bouteille" en nous donnant la mission de lui envoyer la chanson dès que possible! Nous repartons de là avec le permis nécessaire, et un papier en sus pour le ministère de l'éducation de Damazin. L'échange avec l'école est super, la classe pose plein de questions, note nos adresses. Un enfant sans papier pour les noter tend même sa chemise à Olivier!
S'en suit un petit tour au marché, une petite leçon de façonnage de briques de terre, et direction le Nil! C'est parti pour la chasse aux bananes, mangues et goyaves! Seules ses dernières sont mûres, mais on s'en régale! Au Nil, Olivier s'offre une thalasso de vraie boue pleine de limons. Juste à côté, les pêcheurs rassemblent le poisson nécessaire aux boites de thon. Et pendant ce temps, Benyamin ne cesse de sourire, et nous ne nous lassons pas de le regarder... Au retour, le chemin nous fait passer entre les bananiers, gout de paradis! Il est temps de retourner à la maison, se préparer pour la soirée. Au menu, finale de la coupe de foot d'Afrique pour Olivier (c'est l'Egypte qui a gagné) et Hélène avec les femmes. Elles sont nombreuses ce soir, on fête la venue au monde d'un petit enfant. Le thé coule à flots, et les gateaux maison sont délicieux... Nous partons ensuite avec des amis de Benyamin boire un coup dans le souk de nuit. Chacun aimerait être notre hote, nous offrir quelque chose... Nous partageons un thé à la menthe avec un professeur d'anglais qui n'a pas quitté le Soudan mais dont l'accent en tromperait plus d'un! Le marchand de sable passe sur nous et Benyamin, il est temps d'aller prendre des forces pour le départ du lendemain...
Nous quittons la famille de Benyamin à regret, nous nous sommes fait un ami au Soudan. No thanks for duty l'ami et bon vent. En partant de Singa, nous comptons changer de rive, passer par un chemin moins usité... Quelques kilomètres et nous faisons demi-tour. Impossible de faire une centaine de kilomètres sur cette tôle ondulée! Nous reprenons la route asphaltée, sur laquelle il y a quand même de moins en moins de circulation. "Fadallou!" Ce mot, nous l'avons entendu un tas de fois. Cela veut dire "installez-vous", "faites comme chez vous", "reposez-vous"... enfin bref, une invitation à être bien. Il nous a souvent ouvert la porte d'une bonne table! Aujourd'hui, c'est celle de la police, puis d'une bonne sieste derrière leur auvent de prière... Nous roulons jusqu'au soleil couchant, admirant les arbres et les villages... La tente est plantée, nous sommes seuls.
Entre Singa et Damazin, nous demandons plusieurs fois le nombre de kilomètres qu'il nous reste à parcourir. Les réponses diffèrent entre elles, et aussi de notre carte! Ici, on ne compte pas en kilomètres, on compte en temps de voiture... Et notre carte a l'air un peu gourmande en kilomètres. On verra! Nous partgeons ce matin encore un fatour de policiers. La pause est à nouveau longue, sous un arbre, couture, sieste, musique au menu. Nous arrivons dans un petit village où il nous semble encore une fois que l'on nous amène chez quelqu'un d'une certaine importance. Ibrahim nous offre un accueil chaleureux. Nous prenons le temps d'observer le quotidien de ce village. Pompe à eau de l'Unicef, grains de millet moulus à la machine coopérative, le village semble fonctionner en groupe. D'ailleurs, Ibrahim nous dira le lendemain qu'ils utilisent peu l'argent ici. Le soir, nous sommes habillés de pied et cap et ressemblons à de vrais soudanais... Pour aller au wc, on prend sa bouteille d'eau et on part au loin, dans les champs. Nous discutons de leur vie et il s'avère qu'ils déménagent tout le village à l'approche de la saison des pluies en juin ! Cette zone là est submergée pendant 4 mois. Le lendemain, Negla et Ibrahim tuent une poule en notre honneur. Avec le pain en crèpes et la sauce, c'estun délice! Et de l'énergie pour nous conduire jusqu'à Damazin, sous le soleil évidemment...
Apres les vastes plaines du Nil, nous allons attaquer nos premiers contreforts ethiopiens. On nous parle de baobabs, de mangues, de forets de bambous. Encore un peu plus pres du paradis?
"Fadallou!", oui asseyons-nous à la table du monde pour voir ce qu'il a à nous dire.
Une petite anecdote... Que lisez-vous sur la photo ci-dessous? Ceci est écrit un peu partout, sur les taxis, sur les murs des magasins.... Alors? Vous lisez "Alleluia"? Nous aussi. En fait, c'est de l'arabe et c'est écrit "MachaAllah", ce qui veut dire "Dieu est en tout". Jésus est vivant et Dieu est en tout... vous avez dit proches?
Reponse au quizz : ce n'est pas chameau, c'est dromadaire, mais on sera pas chameau sur ce coup la. En revanche, on n'a pas encore vu de girafe, et sur la photo precedente, c'est un dromadaire.